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Les sources des informations fournies ici sont Le Monde, La Croix, L'express, L'Intelligent - Jeune Afrique et l'AFP.
Existence des escadrons de la mort
Un rapport de la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire terminé fin décembre 2002 confirme bien l'existence d'escadrons de la mort opérant à Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire. Ce rapport met en cause les partisans du président Laurent Gbagbo dans des violences et notamment dans des exactions commises ces derniers mois", affirme le quotidien "La Croix".
Effectivement dès les premières heures de l'insurrection du 19 septembre 2002, des personnalités politiques de premier plan ont été tuées dans des circonstances non élucidées: le ministre de l'Intérieur Emile Boga Doudou, l'ancien chef de la junte le général Robert Gueï et sept de ses proches.
M. Ouattara avait à l'époque accusé des gendarmes d'avoir voulu l'assassiner le 19 Septembre 2002, tout comme ils l'auraient fait avec le général Robert Guei.
Actuellement, les cas d'arrestations, d'enlèvements, d'assassinats (souvent politiques), de violences et d'exactions commises par ces "escadrons de la mort" se poursuivent toujours en dépit d'un couvre-feu durci.
En outre, poursuivent les auteurs du rapport de l'ONU, "selon diverses sources d'information, de nombreuses exécutions seraient également commises dans la forêt du Banco à Abidjan, où des corps de personnes exécutées ont été retrouvées. Cette forêt serait à présent sous la surveillance de l'armée nationale. Les escadrons de la mort bien organisés disposeraient de listes de personnes à exécuter. Ces affirmations ont été confirmées par plusieurs témoins".
Me Ibrahima Doumbia, vice-président du Mouvement ivoirien des droits de l'homme (MIDH), a déclaré : "Il y a des escadrons de la mort, nous l'affirmons, leur mission est de tuer des personnes, pas de faire des enquêtes. Ces escadrons de la mort échappent à la hiérarchie militaire classique, mais sont contrôlés d'un endroit bien précis et sont organisés".
Martin Bléou, président de la Ligue ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO), confirme : "l'insécurité grandissante est due aux escadrons de la mort, des gens dont on n'a pas l'identité et qui sèment la terreur, on est tous comme en sursis, et c'est inquiétant".
Violation des droits de l'homme et exactions de ces escadrons
Comme précisé précédement, les escadrons de la mort agissant à Abidjan sèment la terreur parmi la population civile et sont coupables d'un certain nombre d'exactions :
Le corps d'Emile Téhé, président d'un petit parti d'opposition, avait été retrouvé criblé de balles dans la forêt du Banco à Abidjan.
Le frère de Louis Dacoury-Tabley, ancien compagnon de route du président ivoirien Laurent Gbagbo, le dr Benoît Dacoury-Tabley, a été retrouvé mort (le 8 Novembre 2002) à Abidjan après avoir annoncé son ralliement à la rébellion.
Mohamed Lamine Sangaré, imam adjoint d'une mosquée d'Abobo, a été assassiné le 19 Février 2003 en plein jour par des individus armés circulant en 4x4 à Abobo, un quartier d'Abidjan. .
Des dizaines d'autres personnes, militants politiques, civils gênants ou simples citoyens, ont aussi été éliminées.
"Nous avons dénombré cinquante tués par balles rien qu'à Abidjan dont nous avons pu voir les cadavres nous-mêmes. Il y en a certainement plus mais nous recensons uniquement les cas que nous avons pu confirmer de visu ou par un témoignage direct", a déclaré à l'AFP Me Ibrahima Doumbia, vice-président du Mouvement ivoirien des droits de l'homme (MIDH).
Le MIDH a répertorié plus de 150 cas d'arrestations depuis le 19 septembre 2002, visant essentiellement des personnes de confession musulmane ou portant un nom originaire du nord du pays, mais aussi des militants de partis d'opposition comme l'Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI) du général Gueï ou le Rassemblement des républicains (RDR) d'Alassane Ouattara.
Certains ont été libérés, mais d'autres sont détenus depuis plusieurs mois.
"Pour les disparus, on a dénombré 11 cas de personnes arrêtées par les forces de l'ordre et non localisées. Certains sont détenus dans des lieux inconnus et d'autres sont morts, mais leur corps n'a pas été retrouvé", a indiqué Me Doumbia.
En Octobre 2002, L'organisation de défense des droits de l'Homme, Amnesty International, avait déjà dénoncé des
"violations commises à Abidjan par les forces de sécurité" .
L'organisation faisait aussi mention de "destructions de logements et de racket par les forces de sécurité", se fondant sur
"le témoignage d'une cinquantaine de personnes vivant dans différents quartiers dont les maisons ont été détruites et qui
ont été dépouillées de leurs biens".
Amnesty International s'inquiètait également "du harcèlement dont sont victimes des journalistes ivoiriens et étrangers".
Modus operandi
Les témoignages concordent sur le modus operandi: des hommes en uniforme viennent chercher les victimes, souvent pendant les heures de couvre-feu (19h00 à 06h00 -locales et GMT- à Abidjan), pour les arrêter et les emmener vers des destinations inconnues.
Plusieurs témoignages recueillis par l'AFP font aussi état de "listes noires" qui circulent au sein de certains éléments des forces loyalistes, concernant surtout des habitants des zones contrôlées par les militaires rebelles jugés trop favorables aux "rebelles".
Ainsi selon le quotidien "La Croix", une nouvelle "liste noire" circulait en Février 2002 à Abidjan, comportant notamment "les noms de l'épouse et des enfants du Premier ministre du gouvernement de réconciliation nationale, Seydou Diarra", originaire du Nord de la Côte d'Ivoire.
Qui sont-ils ?
Les enquêteurs de l'ONU qui se sont rendus à Abidjan du 23 au 29 décembre 2002 ont écrit : "Les escadrons de la mort en Côte d'Ivoire seraient constitués d'éléments proches du gouvernement, de la garde présidentielle et de milices tribales constituées d'éléments autonomes de l'ethnie -bété- du président Laurent Gabgbo".
Liens entre le président Gbagbo et les escadrons de la mort d'Abidjan
Le rapport de la mission de l'ONU met en cause les partisans du président Laurent Gbagbo dans les exactions commises par ces "escadrons de la mort", a affirmé le quotidien "La Croix".
Les enquêteurs de l'ONU écrivent, selon le quotidien "La Croix", que "des noms ont été communiqués" en ce qui concerne les escadrons de la mort opérant à Abidjan.
"Des informations connues des plus hautes autorités françaises mettent en accusation le "premier cercle" de Laurent Gbagbo: "en premier lieu, le capitaine Seka Yapo, un gendarme qui fait partie de la garde de Simone Gbagbo", l'épouse du président; "l'un des responsables de la sécurité personnelle" du chef de l'Etat, Patrice Bahi, serait "spécialement chargé, selon de nombreux témoignages, de l'élimination des personnes moins connues et des civils gênants".
Ainsi deux équipes distinctes sévissent. La première équipe, composée de gendarmes, a été très active au début du conflit. Elle serait dirigée par Seka Yapo. Quant à la seconde, elle réunirait des civils opérant d'ordinaire en tenue militaire. Et aurait à sa tête Patrice Bahi, garde du corps de l'actuel chef de l'Etat, d'ethnie bété comme lui.
Lauret Gbagbo se défend et attaque Le Monde en justice
En détail, le chef de l'Etat et son épouse poursuivent le quotidien et un de ses journalistes, Stephen Smith, pour trois articles parus en janvier et février 2003 dans lesquels il établissait des liens entre la présidence et l'activité de supposés "escadrons de la mort".
"Nos avocat (à Paris), qui ont déjà été payés, sont à l'oeuvre pour que le procès commence", a déclaré le président ivoirien, sous des applaudissements nourris, au cours d'une conférence de presse.
"Je suis prêt à ce que tous les témoins qui seront cités aillent à Paris", a poursuivi le président ivoirien.
"C'est trop facile d'aider ses petits copains en écrivant de la bave sur des gens honnêtes. Donc j'ai décidé d'attaquer en justice le Monde et La Croix pour qu'ils donnent les éléments de preuves des escadrons de la mort de Gbagbo", a encore déclaré le président ivoirien.
"La Côte d'Ivoire n'est pas gouvernée par un assassin. Je n'ai jamais tué quelqu'un. Ma femme n'a jamais tué quelqu'un", a-t-il poursuivi.
"J'aime le combat, mais dans les règles. Je n'aime pas les gens qui donnent des coups de pieds dans le bas ventre (...) J'espère que Kofi Annan (le secrétaire général de l'ONU) va envoyer des enquêteurs, et nous saurons la vérité", a-t-il conclu.
Le jugement sur ce procès intenté par le président Laurent Gbagbo au Monde pour des propos présumés diffamatoires mettant en cause le rôle du chef de l'Etat ivoirien dans les "escadrons de la mort" sera rendu le 7 juillet.
"En l'absence de preuves formelles, l'hypothèse d'une implication des plus hautes autorités est corroborée par des mises en garde de dissidents par des +frères+ ou +soeurs+ de leur ethnie, logés au coeur du régime", écrivait notamment M. Smith. Le journaliste mettait également en cause dans d'autres articles deux proches de la présidence, Anselme Seka Yapo et Patrice Bai, respectivement gardes du corps de M. Gbagbo et de son épouse.
L'ensemble des personnes citées par M. Smith dans ses articles étaient défendues par Me Bernard Jouanneau qui a dénoncé des propos "évidemment diffamatoires" à l'encontre du chef de l'Etat ivoirien et de ses proches. Cité par Me Jouanneau devant la 17ème chambre du tribunal, Désiré Tagro, ancien garde des Sceaux de Côte d'Ivoire et actuel conseiller juridique du président, a nié l'existence d'"escadrons de la mort".
"Je suis au coeur du pouvoir, je sais ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas l'être", a-t-il assuré, soulignant que l'affirmation de l'existence de ces escadrons visait essentiellement à affaiblir M. Gbagbo. Un autre proche du président, également cité comme témoin, le député ivoirien William Ateby, a estimé que la mise en avant des "escadrons de la mort" était un "gadget médiatique" utilisé par "certains qui veulent voir la Côte d'Ivoire comme un Rwanda".
Me Jouanneau a demandé la condamnation du quotidien et le versement de 800.000 euros au couple Gbagbo, de 229.700 euros à Anselme Seka Yapo, et de 68.610 euros à Patrice Bai au titre des dommages et intérêts. Me Yves Baudelot, le conseil du Monde et de son journaliste, a reconnu que certains propos des articles étaient diffamatoires mais a souligné la "singulière prudence" du journaliste, "l'enquête particulièrement sérieuse" et "l'absence d'intention de nuire". "Est-ce qu'on pouvait dire cela ?", s'est-il interrogé. Oui, a-t-il répondu en substance dans la mesure où "il est de notoriété publique que les gardes du corps du président et de sa femme sont impliqués dans les escadrons de la mort".
Me Baudelot a notamment cité un rapport du Haut commissariat pour les droits de l'homme de l'ONU (dont une partie confidentielle n'avait pas été rendue publique mais que le journaliste du Monde affirme avoir pu se procurer) ainsi qu'une note de la DGSE qui établissaient formellement l'existence d'"escadrons de la mort" en Côte d'Ivoire et mettaient explicitement en cause des proches du pouvoir en place. "Qui sont les victimes de ces escadrons ? Ce sont systématiquement des opposants politiques du président Gbagbo", a-t-il également fait valoir.